- Exposition: L’Europe se souvient
- Commémorer la Shoah en Europe
L’Union européenne, qui réunit 27 États membres, s’est donné pour mission de protéger les droits de ses 450 millions de citoyens, et œuvre dès lors à empêcher la violation de ces droits.
La Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), fondée quelques années après la fin de la Seconde guerre mondiale, s’est d’abord présentée comme une organisation de coopération économique dans l’Europe dévastée de l’après guerre. La déclaration fondatrice de 1950 proposait d’unir des États jusque là ennemis, affirmant que «la contribution qu’une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques».
Avec de telles prémices, cette organisation n’était pas à l’abri de devenir un jour une institution politique. De fait, au cours des décennies suivantes, la CECA a élargi son champ de compétences en y intégrant des activités politiques, et après des années de réformes institutionnelles et d’engagement citoyen, un organe démocratique élu au suffrage direct a été institué en 1979: le Parlement européen.
À cette époque, l’Europe commençait tout juste à se confronter à l’histoire de la Shoah. Les procès des criminels nazis à Nuremberg et ceux organisés dans les différents pays européens occupés pendant la guerre, le procès d’Eichmann en Israël et le recueil de témoignages de survivants, auxquels s’ajoutaient les efforts de dénazification de part et d’autre du rideau de fer, ont rapidement donné lieu à des affrontements personnels et politiques sur notre continent.
L’effondrement du régime soviétique, à partir de 1989, a ouvert un pan nouveau de la mémoire collective européenne. La manière dont l’Europe perçoit son histoire et son identité a été profondément marquée par la lutte contre le totalitarisme et ses conséquences en Europe centrale et orientale, y compris les guerres de Yougoslavie, lors desquelles le nombre de réfugiés en Europe a atteint des niveaux inégalés depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, mais également par le réexamen critique de l’histoire de la Shoah en Europe centrale et orientale. D’un point de vue politique, les États membres de l’Union et les pays candidats à l’adhésion ont commencé à réfléchir de manière plus frontale et plus détaillée à leur rôle dans la Shoah, tant à l’échelon national qu’au niveau européen.
C’est pourquoi dans les années 1980 et 1990, au vu de l’histoire récente des dictatures européennes et dans la perspective de l’élargissement de l’Union à l’Europe centrale et orientale, le Parlement européen a amené les institutions européennes à mettre en place des cadres afin de réparer les dommages matériels et immatériels hérités de ce passé et d’empêcher que l’histoire ne se répète.
La déclaration commune contre la xénophobie et le racisme de 1986 signée par le Parlement, la Commission et le Conseil, a posé la première pierre de l’action du Parlement contre l’antisémitisme en Europe. Dans la foulée, le Parlement a créé une commission d’enquête sur le racisme et la xénophobie; celle-ci a présenté en 1990 ses conclusions dans un rapport détaillé, qui répertoriait les incidents antisémites et xénophobes dans les États membres et les pays européens voisins et comprenait une série de recommandations à l’intention des institutions européennes et des États membres. Ce rapport, destiné à sensibiliser les institutions et les citoyens européens, affirmait la nécessité de garantir que notre Europe soit une société ouverte, fondée sur le respect des droits fondamentaux et le rejet de toutes les formes de discrimination.
En 1993, le Parlement a adopté une résolution sur la protection, comme monuments historiques, des camps de concentration nazis. Ensuite, à partir de 1995, les résolutions se sont davantage concentrées sur la réparation des conséquences de la Shoah pour ses victimes et sur la nécessité d’enseigner la Shoah. Après une première résolution sur la restitution des biens confisqués aux communautés juives, les résolutions suivantes ont traité des approches et des attitudes vis-à-vis de la recherche sur la Shoah et de son enseignement, de la lutte contre le racisme et de la mémoire de la Shoah.
Plus récemment, d’autres résolutions ont contribué à la lutte contre l’antisémitisme, au souvenir du génocide des Roms et des Tziganes et à la lutte contre la violence néonazie et les discours de haine. De plus, le groupe de travail du Parlement sur l’antisémitisme, créé en 2016, réunit de manière transpartisane des députés au Parlement, qui œuvrent à améliorer la lutte contre l’antisémitisme menée par l’Union.
La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui lie les États membres de l’Union depuis 2009, énonce que «l’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité; elle repose sur le principe de la démocratie et le principe de l’État de droit». L’article premier de la charte dispose que «la dignité humaine est inviolable» et l’article 21 qu’«est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle».
Lors de sa session constitutive en 1979, le Parlement européen a élu Simone Veil pour Présidente, qui a alors déclaré: «Pour la première fois en effet dans l’Histoire, dans une Histoire qui les a vus si souvent divisés, (...) acharnés à se détruire, les Européens ont élu, ensemble, leurs délégués à une Assemblée commune qui représente aujourd’hui, dans cette salle, plus de 260 millions de citoyens.» Pour mesurer toute la portée de ces mots, il faut se souvenir que 35 années plus tôt, Simone Veil était arrêtée avec sa famille et envoyée dans les camps de concentration nazis d’Auschwitz-Birkenau, de Bobrek et de Bergen-Belsen.
C’est en gardant à l’esprit le lien indissociable entre la mission centrale de l’Union et l’histoire de la Shoah que nous vous invitons à vous plonger dans les témoignages de ceux qui nous rappellent cette exigence: plus jamais ça.